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Crash d’Air Moorea : peines de prison ferme requises en appel


(Photo d'archives).
(Photo d'archives).
Tahiti, le 25 novembre 2019 - La cour d’appel de Papeete examine depuis le 12 novembre le cas du vol 1121 d’Air Moorea, dont le crash avait fait 20 morts en août 2007. Après deux semaines d’instruction à l’audience l’avocat général a insisté lundi dans ses réquisitions sur la responsabilité pénale des prévenus et demandé à la cour d'entrer en voie de condamnation pour "homicide involontaire".

Après deux semaines, le procès en appel du crash d'Air Moorea touche à son épilogue. Lundi matin, l'avocat général Brigitte Angibaud a demandé à la cour, au terme de près de 2 h 30 de réquisitions, d'entrer en voie de condamnation à l'encontre de l'ensemble des prévenus pour "homicide involontaire". 

La représentante du ministère public a requis des peines de "2 à 3 ans" d'emprisonnement assortie d'une amende et de l'interdiction définitive d'exercer un emploi en lien avec le secteur aéronautique, à l'encontre de Freddy Chanseau, Jacques Gobin, Stéphane Loisel et de l'inspecteur de l'aviation civile Andriamanonjisoa Ratzymbasafy et de Guy Yeung, l'ancien directeur du service d'Etat de l'aviation civile, relaxé en première instance. Il est en outre demandé à la cour de ne pas permettre de remises de peine et d'exiger l'inscription des condamnations au casier judiciaire.

Une peine de "18 mois à 2 ans" d'emprisonnement, une amende et une condamnation à l'interdiction définitive d'exercer un emploi dans l'aérien est requis à l'encontre de Jean-Pierre Tinomano et Didier Quemeneur, les deux cadres de l'atelier qui étaient à l'époque des faits en charge de la maintenance chez Air Moorea. Brigitte Angibaud laisse à la cour "le soin d'apprécier" un éventuel sursis à la peine d'emprisonnement.
Pour les deux techniciens, l'inscription des peines au casier judiciaire est également requise.

Une confirmation de la peine d'amende de 25 millions de francs, prononcée par le tribunal correctionnel en janvier dernier, est requise à l'encontre de la société Air Moorea.
 
Pour la magistrate, l’accident du vol 1121 d’Air Moorea du 9 août 2007 qui avait entrainé la mort de 20 personnes, peu après le décollage de Temae, est causé par la rupture du câble à cabrer de la gouverne profondeur du Twin Otter. Il s’agit selon elle de "la cause certaine"  de ce crash. Cette défaillance matérielle est présentée comme la conséquence d'un processus de maintenance "indigent" de l’avion. "La catastrophe d’Air Moorea ne s’explique qu’à l’aune délétère d’un renoncement général au principe de la sécurité aérienne alors qu’il aurait dû être le centre des préoccupations" et du "principe business", qui animait alors la compagnie, a martelé Brigitte Angibaud. "Un système vicié qui ne pouvait déboucher, un jour ou l’autre, que sur une catastrophe."
 
L'avocat général adhère aux conclusions rendues par le Bureau d’enquête et d’accident (BEA) et à l’analyse de plusieurs experts judiciaires consultés lors de l’instruction. Tous s’accordent sur le fait que la faible altitude, conjuguée à l’effet de surprise ont empêché au pilote toute tentative de rattrapage de l'avion après la défaillance du câble de gouverne arrière. 
 
Selon la représentante du ministère public, le défaut de maintenance de l'avion est imputable aux responsables de la compagnie et aux services de contrôle de l’aviation civile de l'époque, chargés de valider les procédures. La cause de l’accident "doit être recherchée dans un schéma d’ensemble", estime Brigitte Angibaud en soulignant que les "fautes caractérisées" commises par chacun des prévenus impliquent leur responsabilité pénale pour homicide involontaire : ils ne peuvent pas prétendre avoir ignoré que leurs négligences faisaient courir un risque aux usagers de la compagnie, a-t-elle insisté.

Les peines requises

Des peines de "2 à 3 ans" d'emprisonnement "sans remise de peine", une peine d'amende et l'interdiction définitive d'exercer une activité d'encadrement ou de contrôle au sein d'une compagnie aérienne dans les domaines de la navigabilité ou de la maintenance aéronautique est demandée à la cour pour "fautes caractérisées" à l'encontre de :

Freddy Chanseau, le dirigeant responsable, directeur général de la compagnie Air Moorea à l’époque des faits ;
Jacques Gobin, le directeur technique, responsable de l’entretien de la flotte d’Air Moorea et "homme lige" de Freddy Chanseau, selon les termes de l'avocat général ;
Stéphane Loisel, technicien et responsable du bureau d’étude et de documentation et des programmes d’entretien d’Air Moorea ;
Andriamanonjisoa Ratzymbasafy, l'inspecteur de l’aviation civile, "Complice de l’incurie générale", pour l'avocat général ;
Guy Yeung, le Directeur du service d’État de l’aviation civile (aujourd'hui retraité). 
 
 
Des peines de "18 mois à 2 ans" d'emprisonnement et l'interdiction définitive d'exercer une activité d'encadrement ou de contrôle au sein d'une compagnie aérienne dans les domaines de la navigabilité ou de la maintenance aéronautique est demandée à la cour pour "fautes caractérisées" à l'encontre de : 
 
Jean-Pierre Tinomano, le responsable de l’atelier de maintenance d’Air Moorea ; 
Didier Quemeneur, le contrôleur de production et adjoint de Tinomano à l'époque du crash.


Pour la compagnie Air Moorea, en tant que personne morale "pénalement responsable", l'avocat général demande à la cour de confirmer la peine d'amende de 25 millions de Fcfp prononcée lors du jugement en correctionnelle, en janvier dernier.

"C’est normal. Ils sont tous responsables"

Nikolaz Fourreau, président de l’association 987 des familles et amis des victimes du crash d’Air Moorea
 
L’avocat général a requis les peines maximums prévues par la loi. Qu’est-ce que cela vous inspire-t-il ? 
"Elle l’a précisé dans son propos : cela ne réparera jamais ce qui est arrivé. Quelle que soient les peines, elles ne remplaceront jamais les 20 disparus. A mon sens, c’est la chose la plus importante. Qu’elle aille au plus fort de ce que la loi prévoit, c’est normal. Ils sont tous responsables. Au sujet des salariés d’Air Moorea, elle a précisé qu’il y avait une responsabilité collective, avec un abandon total des règles de sécurité depuis des années. Concernant l’aviation civile, et les deux prévenus, elle a précisé qu'ils  « faisaient confiance » et que ce n’est qu’un alibi de la paresse. (…) Ces hauts fonctionnaires rétribués par l’Etat avaient un vrai rôle de contrôle. Ils ne l’ont exercé à aucun moment. Ce constat est important aux yeux des familles. Elle a fait des réquisitions claires, qui font état de manquements graves, depuis des années, dans le fonctionnement de l’entreprise, avec les conséquences que l’on sait."

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Lundi 25 Novembre 2019 à 10:50 | Lu 3531 fois